
LOGEMENT DES POULES : Leçons tirées des expériences européennes et américaines
Par Tim LambertIl y a quelques semaines, j’ai écrit un article qui présentait les raisons pour lesquelles notre industrie a besoin d’une période de transition de 20 ans pour se séparer des logements de poules traditionnels. Nos collègues d’Europe et des États-Unis font présentement une telle transition. Leurs expériences nous offrent des leçons que nous devons mettre en pratique. Alors, portons un regard à ces deux expériences avec ce point de vue.
EUROPE : L’incertitude dans une économie difficile

En 1999, l’Union européenne a adopté la Directive sur les poules pondeuses de l’UE 1999/74/EC. Cette directive interdisait les investissements dans les logements traditionnels après 2003 et bannissait leur utilisation après 20121.
Cette transition a généré des effets énormes sur la production d’œufs et sur les prix. À un an de la date butoir, le nombre d’oiseaux avait diminué de 33 millions. De son côté, le prix des œufs a grimpé en flèche pour atteindre un sommet en décembre 20122. Une fois la date limite passée, les troupeaux ont recommencé à croître et les prix sont retombés de manière imprévisible. Pendant des années, les consommateurs et les producteurs d’œufs ont fait face à un climat d’instabilité : les consommateurs devaient composer avec la volatilité des prix, alors que les producteurs d’œufs n’étaient plus en mesure de recouvrer leurs coûts de production.
L’incertitude a empiré la situation. En Allemagne, un système de logement spécial a été développé et appelé le « nid de colonisation ». On croyait bien que ce système deviendrait le pilier de l’industrie ovocole allemande. Toutefois, un changement dans les politiques des détaillants a mené à une diminution de la demande pour les œufs provenant des « nids de colonisation »3. Les coûts d’investissement sont alors montés en flèche puisque de nombreux producteurs ont été contraints de construire de nouveaux poulaillers tout en subissant les contrecoups de l’investissement réalisé pour leur première conversion.
Si les producteurs allemands pouvaient se permettre cette nouvelle transition, ce n’était pas le cas pour leurs voisins qui passaient par des temps difficiles. Le ralentissement économique mondial a été éprouvant pour l’Espagne et l’Italie, et cette crise est arrivée au moment même où les producteurs d’œufs des deux pays étaient en pleine transition. Les coûts d’investissement élevés qui ont accompagné la transition auront été d’autant plus difficiles à absorber.
ÉTATS-UNIS : Flambée des coûts

Au cours des dernières années, les engagements pour s’approvisionner en œufs de poules élevées en liberté se sont multipliés dans l’ensemble des entreprises américaines. La United Egg Producers estime que 63,9 % des troupeaux de poules pondeuses devront être logés en libre parcours ou en liberté pour satisfaire aux engagements pris par les partenaires de la chaîne d’approvisionnement4. Cette situation peut représenter une énorme transition puisque 90 % des œufs actuellement produits aux États-Unis proviennent d’oiseaux élevés dans des systèmes de logement traditionnels ou aménagés.
Tout ceci représente un défi financier de taille pour les producteurs d’œufs américains. Les coûts de production en logements traditionnels s’élèvent à environ 15 $ par poule aux États-Unis; 25 $ lorsqu’il s’agit de logements aménagés. Les coûts montent en flèche et atteignent 40 $ par poule dans les systèmes d’élevage sans cages et cette augmentation vient s’ajouter à l’énorme investissement de base nécessaire pour modifier les poulaillers et l’équipement5.
Les leçons apprises
Ce que les expériences américaines et européennes nous laissent.
- La stabilité est un point essentiel : Un des problèmes majeurs de la transition européenne était le climat d’incertitude qui planait au-dessus des types de systèmes de logement qui pourraient être autorisés ou non. De nombreux producteurs ont dû retarder la construction de leurs nouvelles installations, ce qui a eu des conséquences certaines sur l’approvisionnement. Cette situation a provoqué une volatilité des prix : le prix des œufs a soudainement augmenté avant de redescendre de manière importante. Nous voulons éviter ces problèmes en ciblant la stabilité et l’ordre dans notre approche.
- Le climat économique est important : Une récession peut créer une brèche dans les meilleurs plans du monde; les producteurs d’œufs espagnols et italiens le savent bien! Dans plusieurs cas, de nouveaux systèmes de logements sont synonymes de nouvelles installations. C’est une démarche très dispendieuse qui exige une planification soignée. Au Canada, une transition systématique à long terme peut réduire les coûts d’investissement en amenant une transition abordable qui se déploie selon un calendrier défini.
- Nous devons tous travailler ensemble : Les partenaires de la chaîne d’approvisionnement et les producteurs doivent coordonner leurs efforts et veiller à ce que les changements qui surviennent dans les méthodes de production soient réalistes, abordables et réalisables. Sinon, des failles vont se produire sur le marché des œufs. Pour cette raison, une approche de la chaîne d’approvisionnement qui est cohérente, coordonnée et transversale doit être utilisée, mais sans perdre de vue l’importance qu’il faut donner à l’approvisionnement des consommateurs. L’objectif : faire en sorte que notre transition donne les résultats voulus pour les producteurs, leurs partenaires de la chaîne d’approvisionnement et, surtout, les consommateurs canadiens.
1 Alternative Layer Hen Housing Systems in Europe par Michelle Jendral
2 The European Egg Industry in Transition par Wilhelm Windhorst
3 The European Egg Industry in Transition par Wilhelm Windhorst
4 United Egg Producers
5 United Egg Producers